Si vous faites partie des gens qui ont mené un projet de sa création à sa concrétisation en entreprise, si vous avez rénové une maison ou si vous êtes en couple depuis plusieurs années, vous avez forcément fait la rencontre du mot “concession”. Faire des concessions, c’est faire une croix ou faire bifurquer une idée, une vision, une façon de penser, mais c’est surtout être à l’écoute de l’autre, des autres et accepter que le projet initial varie.
Apple a toujours été une société avant-gardiste : de l’abandon du lecteur de disquettes puis des disques optiques, du port jack, jusqu’au MacBook disposant d’un seul port USB-C. Pour beaucoup, Apple complique le jeu et crée des problèmes pour les utilisateurs. On le sait aujourd’hui avec le recul, ces choix étaient visionnaires et justifiés. Mais cela veut-il dire qu’Apple a des œillères et que ses équipes n’ont jamais fait de concession ? Non. Je suis persuadée que bien des idées novatrices ont été mises au placard car trop en avance sur leur époque, ou tout simplement parce que le grand public, les utilisateurs pro ou les médias n’étaient pas prêts.
Ce serait bien mal connaître Apple et surtout bien mal la juger que d’affirmer que ces produits ont des “problèmes” de conception. Apple est aujourd’hui l’une des plus grosses entreprises du monde, avec des milliers de salariés, des développeurs, des ingénieurs, des concepteurs, bref, des gens payés pour penser, réfléchir et imaginer nos besoins futurs, avant même que nous en ayons conscience. Mais Apple est avant tout une entreprise et son but est de faire des bénéfices. Si le HomePod n’a pas d’entrée son et si Siri est associé uniquement à Apple Music, ce n’est pas un problème, ce n’est pas une erreur, c’est un choix. Un choix stratégique établi et mis en œuvre pour que vous vous abonniez à Apple Music : 120€ de revenus annuels garantis par utilisateur, je vous laisse faire le calcul.
Vous le savez, je fais partie des passionnés d’Apple, de son histoire et de ses produits. Il y a dix ans, lorsque j’ai écrit mes premiers articles sur les produits de la marque à la pomme, à la rédaction, nous avions beaucoup de mal à mettre de côté notre déception lorsqu’un produit ne répondait pas exactement à ce qu’on avait imaginé ou pour être tout à fait honnête : à ce que nous avions besoin. Reprenons le cas du HomePod, même si ce produit semble fermé, Apple laisse une grande porte ouverte grâce à AirPlay et permet la diffusion de musique depuis n’importe quel fournisseur (Spotify par exemple ou n’importe app diffusant du son). Si malgré cela, vous continuez à pester contre les choix d’Apple, votre colère ou votre déception n’est plus justifiée, elle est faussée. Apple ne fabrique pas des produits pour vous faire plaisir, elle fabrique des produits pour les vendre et augmenter ses bénéfices. Il existe des centaines d’autres enceintes connectées qui répondront à tous vos besoins, ne vous focalisez pas sur le HomePod parce qu’il y a une pomme gravée dessous.
L’une des premières choses que mon métier de journaliste m’a appris est de mettre à la place du fabricant, à la place des concepteurs de produits, des ingénieurs, des designers pour comprendre pourquoi telle ou telle chose était comme ceci, ou comme cela. Cette réflexion est la seule permettant d’établir une critique constructive qu’il faut expliquer à l’utilisateur, au lecteur. Astuce : transposer cette réflexion dans votre vie sociale et vous comprendrez beaucoup mieux les gens qui vous entourent.
Parlons de l’Apple Pencil, premier du nom. Imaginez-vous dans la salle de réunion, lorsque les équipes d’Apple ont décidé qu’il serait possible de recharger l’Apple Pencil 1 en le branchant au port Lightning de l’iPad, extraits :
- “C’est affreux ! On dirait une tapette à mouche !”
- “C’est moche mais si mon Pencil est déchargé et que je veux continuer à dessiner, sans mon câble, je ne peux plus rien faire ?”
- “On est Apple, on ne peut pas faire ça.”
- “Au delà du design, il faut permettre aux utilisateurs de recharger le Pencil temporairement en cas de besoin.”
- “La recharge sans fil n’est pas encore au point, elle le sera pour l’Apple Pencil 2, mais on ne peut pas attendre, les études marketing le prouvent.”
Comme vous pouvez l’imaginer, tous les reproches que vous faites encore aujourd’hui contre ce choix ont résonné dans les murs d’Apple il y a bien longtemps, bien avant sa fabrication à grande échelle, bien avant qu’une rumeur s’ébruite, bien avant que vous en rêviez. Si la décision finale d’Apple a été de permettre cette recharge disgracieuse, ils l’ont fait en tout état de cause et de conscience, en sachant très bien qu’ils seraient critiqué. Leur choix a tout simplement été de faire passer les besoins de l’utilisateur avant l’aspect esthétique, c’est plutôt rare et au final, c’est une bonne chose car les utilisateurs vous diront qu’il suffit de le brancher 1 minute au connecteur pour recharger l’Apple Pencil pour une heure voire plus.
Aujourd’hui, tout va vite, très vite, il faut avoir un avis à la seconde mais si vous êtes fan des produits d’Apple, menez votre réflexion avant de réagir, imaginez toutes étapes nécessaires à la création d’un nouveau produit, imaginez les désaccords, les discussions infinies, les concessions, les besoins des utilisateurs, imaginez-vous en chef d’entreprise, en créateur de produits ou d’idées, en décisionnaire et analysez. Vous le verrez, avec une société comme Apple, la décence est de mise.

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